Mélanie Fazi
Serpentine
Gallimard, Folio SF
2010
Serpentine est un recueil qui renferme dix nouvelles fantastiques. Les amateurs du fantastique comme on l'écrivait au XIXe siècle, sans nécessairement s'intéresser aux Ghost Stories, devront passer leur chemin. Ces dix nouvelles exposent des univers réalistes marqués du sceau de l'étrange. Il serait erroné d'écrire que l'étrange s'y insinue. L'étrange est déjà là quand le lecteur s'introduit dans la nouvelle, et les personnages semblent très bien s'en accommoder qu'il s'agisse de partir en quête d'un bien perdu «Le faiseur de pluie», d'un être cher «Elégie», «Rêves de cendre», «Matilda», ou de faire disparaître une partie de leur vie «Serpentine», «Petit théâtre de la rame», «Ghost Town Blues». Des thèmes récurrents entrelacent les nouvelles: le questionnement autour de la mémoire et des métamorphoses du corps comme vecteurs d'identité. Que convient-il d'effacer pour se libérer d'un fardeau ? Se faisant, resterons-nous les mêmes ? Comment s'inscrire dans son corps ? Comment retrouver un être dont le corps s'est métamorphosé ?
L'intérêt du recueil réside notamment dans sa générosité générique et narratologique. On retrouve des nouvelles qui relèvent du conte merveilleux «Elégie», «Le faiseur de pluie», du pastiche «Mémoire des herbes aromatiques», du polar «Serpentine», «Matilda», «Le passeur», et même du western «Ghost Town Blues». La plupart des nouvelles sont racontées à la première personne, comme le veut la tradition fantastique, néanmoins leurs narrateurs sont très variés: deux criminels dont l'un est peintre et l'autre tableau, une mère dont les enfants ont disparu, et des adolescentes fascinées par le feu, égarées sur une aire d'autoroute ou groupies. D'autres nouvelles osent la troisième personne « Le faiseur de pluie» et surtout la polyphonie «Petit théâtre de rame».
La musique hante le recueil, au point que le lecteur sera tenté d'aller voir ailleurs pour connaître ou redécouvrir cette bande son qui accompagne l'écriture. Ainsi, au détour d'une aire d'autoroute, on retrouvera Patti Smith, Robert Plant, le titre « Vénus » du groupe Télévision, ou celui «Jig of life» de Kate Bush. Puis la nouvelle «Matilda» viendra aiguillonner les lecteurs friands d'énigmes et de références détournées. La musique, c'est aussi celle de la langue de Mélanie Fazi qui nous promène dans sa galerie des styles. Pourtant, en dépit de toutes les qualités de cet ouvrage, il reste comme une lettre morte. Agréable promenade à laquelle il manque l'essentiel: l'empreinte du fantastique laissée sur les doigts et le quotidien du lecteur.