Michel Rabagliati
Paul au Parc
Edition de La Pastèque
2011
De prime abord, cette Bande Dessinée en noir et blanc peut laisser le lecteur dubitatif : un titre lapidaire, une couverture qui laisse deviner un trait naïf, et un récit lent. Très lent.
Pour qui ne connaît pas la série des Paul, c'est suffisamment déconcertant pour avoir envie de refermer le livre s'empressant de tromper l'ennui qu'il essème. Et pourtant quelle erreur ce serait là !
D'abord Michel Rabagliati crée une attente à partir d'un rien : une paire de baskets retenue à une branche par les lacets. La même image, sur toute la planche. Seuls les nuages indiquent de vignette en vignette le temps qui passe. Cette paire de baskets intrigue, puis on l'oublie. Il faut attendre la page 52 pour qu'elle se rappelle au lecteur. A partir de là, on se sent comme mis au défi : soit on abandonne définitivement la BD, soit on tâche de percer le mystère de ce simplisme apparant.
Le talent de l'auteur réside dans l'imitation du mouvement de la vie. Ce n'est pas tant le réalisme d'une époque, d'un contexte québécois particulier (l'éveil brutal de la populations aux méthodes brutales du FLQ et à celles non moins agressives du gouvernement ; la place des organisations chrétiennes dans la plannification des loisirs et de la vie culturelle) qui est réussi, que celui du temps qui passe. On sent littéralement le temps passer à la lecture de Paul au parc. On observe la litanie du quotidien, on échafaude des hypothèses, comme certains personnages, sur les drames ou les joies qui pourraient survenir et on est tout simplement bluffé par le dernier mouvement du livre. L'absence de schéma narratif, l'absence de destinée presque, bouleverse le lecteur quand la routine se brise, que les drames, comme souvent dans la vie, semblent s'atirer et s'accumuler au même moment.