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29 mai 2014 4 29 /05 /mai /2014 20:59

Michel Rabagliati
Paul au Parc
Edition de La Pastèque
2011

 

        De prime abord, cette Bande Dessinée en noir et blanc peut laisser le lecteur dubitatif : un titre lapidaire, une couverture qui laisse deviner un trait naïf, et un récit lent. Très lent.

        Pour qui ne connaît pas la série des Paul, c'est suffisamment déconcertant pour avoir envie de refermer le livre s'empressant de tromper l'ennui qu'il essème. Et pourtant quelle erreur ce serait là !

          D'abord Michel Rabagliati crée une attente à partir d'un rien : une paire de baskets retenue à une branche par les lacets. La même image, sur toute la planche. Seuls les nuages indiquent de vignette en vignette le temps qui passe. Cette paire de baskets intrigue, puis on l'oublie. Il faut attendre la page 52 pour qu'elle se rappelle au lecteur. A partir de là, on se sent comme mis au défi : soit on abandonne définitivement la BD, soit on tâche de percer le mystère de ce simplisme apparant.

         Le talent de l'auteur réside dans l'imitation du mouvement de la vie. Ce n'est pas tant le réalisme d'une époque, d'un contexte québécois particulier (l'éveil brutal de la populations aux méthodes brutales du FLQ et à celles non moins agressives du gouvernement ; la place des organisations chrétiennes dans la plannification des loisirs et de la vie culturelle) qui est réussi, que celui du temps qui passe. On sent littéralement le temps passer à la lecture de Paul au parc. On observe la litanie du quotidien, on échafaude des hypothèses, comme certains personnages, sur les drames ou les joies qui pourraient survenir et on est tout simplement bluffé par le dernier mouvement du livre. L'absence de schéma narratif, l'absence de destinée presque, bouleverse le lecteur quand la routine se brise, que les drames, comme souvent dans la vie, semblent s'atirer et s'accumuler au même moment.

Paul au parc
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14 janvier 2012 6 14 /01 /janvier /2012 19:09

 

Mes hommes de lettres,

Catherine Meurisse,

préface de Cavanna

Edition Sarbacane

2008

 

meurisse-couv.jpg

  Mes hommes de lettres, est une BD qui permet de découvrir une sélection d'auteurs du Moyen Age au XXe siècle qui ont façonné notre histoire littéraire. Plus qu'aux auteurs, c'est souvent à leurs personnages que Catherine Meurisse donne la parole, laissant chacun s'exprimer dans la cacophonie et donner sa version de son actualité; à la manière du La Fontaine qu'elle peint en sorte de maître d'école qui ne parvient plus à se faire écouter de ses animaux qui le chahutent, et commence à regretter de leur avoir donné la parole, quand bien même il en va de l'éducation d'un prince.

Ce prince, Louis XIV en devenir, occupe tout le XVIIe et a côtoyé les plus grands :Racine, Molière, Corneille, ce qui lui fait dire que le XVIIe siècle, c'est un peu lui. Comme le XIXe est un peu celui de Victor Hugo.

Nécessairement, Catherine Meurisse fait des choix, et le lecteur, selon ses goûts et sa curiosité, regrettera peut-être l'inégalité de représentation de certaines époques. Si le Moyen Age est tout particulièrement réussi, le lecteur suivant de pages en pages le jongleur Renart donner son avis sur l'entreprise romanesque qui rebaptisera de son nom son homologue du règne animal et se moquer gentiment des héros Roland et Perceval; le XX e siècle en comparaison apparaît bâclé.

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Certes, il est très drôle de suivre ce Gaston Gallimard qui, faute de réactivité ou de patience, laissera passer Mauriac et Céline, après avoir sous estimé Proust une première fois.

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Néanmoins, reléguer Gide au rang de consultant chez Gallimard, Cocteau en amant aveuglé par Radiguet ou Colette en émancipatrice populaire, pour finir par réunir les plus grands noms dans un cabaret à Saint Germain n'a pas la tenue des anecdotes ou de l'inventivité réservées aux siècles précédents. En effet, comment résister aux planches révélant au XVIe siècle Michel de Montaigne allongé sur un canapé et psychanalysé par Montaigne lui-même, annonçant le Rousseau juge de Jean-Jacques. Comment ne pas rire devant les affres de Victor Hugo metteur en scène d'Hernani aux prises avec sa comédienne Mademoiselle Mars prenant quelques libertés avec les répliques de sa Doña Sol.

A chaque approche d'un écrivain, on ne peut s'empêcher de penser que c'est terriblement bien vu et remarquablement croqué! En quelques traits, la caricature fait mouche, c'est que Catherine Meurisse s'est non seulement approprié comme personne l'enseignement reçu pendant ses études de lettres, mais qu'elle est aussi dessinatrice de presse au Charlie Hebdo où elle serait la seule femme salariée!

Son ton facétieux se retrouve dans les pages de garde, traits noirs sur fond rouge. lors d'une séance de dédicace où se côtoient les auteurs de Et si c'était vrai et des Misérables, on voit un Hugo boudeur et incrédule tourner le dos à la longue file d'attente qui patiente pour un mot de Marc Lévy. Jusqu'à ce que Lévy parti, Hugo demeuré rencontre sa petite héroïne.

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27 août 2011 6 27 /08 /août /2011 20:47

 

Sylvain Runberg et Olivier Martin

Face cachée, seconde partie

Futuropolis 2011


 

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Rappel de la première partie publiée l'année dernière: Satoshi Okada est un homme modèle. Ancien étudiant brillant (il avait fini major de promotion de l'une des plus célèbres universités du Japon) et employé travailleur et collègue soucieux du bien être des autres qu'il s'agisse d'aider la jeune Mayumi à compléter un dossier ou de supporter l'imbuvable Junichi. Distant de sa famille pour des raisons professionnelles, Satoshi ne manque pas une occasion de téléphoner chez lui pour s'enquérir de son épouse et de leur petite fille ou de leur envoyer des mails pour leur détailler sa vie par le menu en attendant les retrouvailles du weekend.

Oui, Satoshi est un homme modèle. De ce fait, Junichi le jalouse et ne se gène pas pour  faire remarquer au patron que son collègue part décidément bien tôt le vendredi soir, qu'il arrive bien tard à son poste après un diner arrosé et qu'il consulte un psychiatre pour des problèmes de couples, selon les dires de Satoshi lui-même. D'ailleurs Junichi ,qui courtise Mayumi, ne cesse de rappeler à la jeune-femme que Satoshi est marié et qu'il est vain qu'elle s'intéresse à lui. Pourtant Mayumi ne s'avoue pas vaincue. La présence d'une autre femme ne lui fait par peur et pour cause: elle a des rendez-vous secrets dans un Love Hotel avec Satoshi et elle est persuadée qu'il finira pas quitter son épouse. Une obsession qui distrait Mayumi du triste couple que forment ses parents. Sa mère a quitté son père et tente de subvenir à ses besoins en travaillant dans un fast food, tandis que son père, alcoolique, erre dans les rues. Oui, Mayumi est certaine que Satoshi va quitter sa femme, pourtant quand la première partie de cette histoire se referme, c'est à une autre encore que Satoshi apporte des fleurs.

face-cachee-1.jpg


 

Dans cette deuxième partie, Mayumi décide de changer de méthode. Puisque Satoshi l'ignore depuis plusieurs semaines, elle choisit de le rendre jaloux en invitant Junichi à sortir avec elle. La soirée est un fiasco, ce qui renforce l'aigreur de l'éconduit qui multipliera les attaques contre Mayumi sur le plan professionnel. La meilleure amie de celle-ci n'en peut plus de la voir malheureuse et décide de mener l'enquête. Elle découvre que Satoshi fréquente la fille de son patron, M.Ota, et n'hésite pas à en faire part à son amie qui veut se venger. Elle met Satoshi au pied du mur en le menaçant de tout avouer à sa femme, puis oublieuse de son ultimatum, elle se rend au domicile des Okada pour mettre sa menace à exécution.

S'intensifie alors le déroutant découpage des planches. Les vignettes se multiplient à l'excès, s'imbriquent l'une dans l'autre et de planche en planche viennent perturber une chronologie mise à mal. Le lecteur subit une rafale d'images , souvent muettes, qu'il ne sait comment situer sur la flèche du temps. La pression monte et le lecteur même s'il sait qu'il peut manipuler les pages à l'envi et revenir en arrière s'assurer d'une hypothèse, poursuit sa lecture parce que l'intime conviction d'un drame imminent ne le lâche plus.

On pourra être déçu à la fin de cette seconde partie, trouver que finalement ce drame romantique manque d'originalité, mais il faudra reconnaître que la mise en image de la narration et la décoloration du noir et blanc en certains endroits est simplement magistrale.

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14 juillet 2011 4 14 /07 /juillet /2011 19:30

Olivier Bleys et Yomgui Dumont

Chambres noires, T.I Esprit, es-tu là?

Vents d'ouest

2010

 

BD2.jpg

1867, Paris est le théâtre de la deuxième exposition universelle, un cadre à garder en tête pour lire cette bande dessinée fantastique où l'étrange côtoie les dernières innovations techniques. La famille Pénouquet joue d'ailleurs de cette association: son fond de commerce repose sur l'atelier de "photographie fluidique" qui propose à une clientèle choisie un entretien spirite  puis une photographie souvenir avec le défunt. Une supercherie possible grace aux talents de Lazarre, le plus moderne de la famille. La famille Pénouquet est une famille au sens large. Le père, peintre endeuillé par la mort de sa tendre épouse, ouvre sa maison à tous les enfants qui pourraient en avoir besoin. Si bien qu'en dehors de Ninon, sa fille légitime, Samson est le "père" de quatre autres enfants: les jumeaux Louise et Tristan d'un côté, Lazarre et sa petite assistante hagarde et muette Bertille de l'autre.Ce qui n'est pas sans créer quelques tensions dans la maisonnée. D'autant qu'à la marmaille s'ajoute un grand-père revenu d'Indochine avec un ami plus que discret, et un chien malingre. Il ne manque plus qu'un tableau parlant pour compléter l'ensemble. Ce tableau, c'est le portrait de Mme Pénouquet, oeuvre inachevée de Samson qui ne cesse de la retoucher. Le portrait parle, mais personne ne semble l'entendre, c'est que Mme Pénouquet avait un don: celui de communiquer avec les esprits, un don dont Ninon a  véritablement hérité, ce qu'elle ne va pas tarder à découvrir. En effet, un beau jour, c'est la famille Pénouquet qui sera prise au piège de la photographie fluidique en voyant apparaître sur un cliché un fantôme qui n'y avait pas été invité. Commence alors une intrigue policière dans le Paris occulte de Huysmans ou Aloysius Bertrand, car à l'apparition du fantôme correspond la disparition des jumeaux après un passage à l'abattoir. On devine dès ce tome I  l'importance du lieu dans cette série: n'est-il pas étrange que des jumeaux anémiés  disparaissent après être allés boire du sang à la source, au moment même où un inquiétant personnage surnommé la Salamandre et reconnu par une chiromancienne comme le diable lui-même, s'en échappe. Un vampire est-il à craindre pour le tome II?

Une bande dessinée à suivre en tous cas, en dépit d'une intrigue peu originale et quelques personnages clichés comme le grand-père et Gang, mais qui rappellent avec une certaine jubilation grand-mère Adams et le majordome Max. Le fantastique y est manié avec élégance et le dessin est moins naif qu'il n'y paraît. Méfiance, certaines vignettes occupant toute la planche peuvent troubler même les lecteurs les plus âgés.

 

Une BD découverte sur le blog de Sara !

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